«Ceux qui oublient les leçons de l’histoire sont condamnés à la voir se répéter», affirmait le philosophe hispano-américain George Santayana. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, notamment de la Shoah, le slogan «Plus jamais ça !» était censé transformer cet aphorisme en principe intangible. Mais la dernière décennie du vingtième siècle, entre la purification ethnique en Bosnie-Herzégovine et le génocide au Rwanda, ainsi que cette deuxième décennie du vingt-et-unième avec la sanglante autant qu’interminable guerre en Syrie, semblent en avoir décidé autrement. Faut-il donc se résoudre à jeter définitivement le passé aux orties ?
Ce n’est pas ce qu’a démontré ce 11 mai au soir Salam Kawakibi, chercheur franco-syrien en sciences politiques et relations internationales, Directeur adjoint de l’Institut arabe pour la Réforme, qui était l’invité d’honneur de l’Institut de Recherches et d’Études Méditerranée et Moyen-Orient (IREMMO) à Paris avec son compatriote Farouk Mardam Bey, Directeur éditorial des Éditions Sindbad-Actes Sud et ancien Conseiller culturel à l’Institut du Monde Arabe.
La rencontre avait pour thème l’ouvrage Du despotisme et autres textes, regroupant des écrits de 1902 ayant pour auteur ‘Abd al-Rahman Kawakibi, le grand-père de Salam Kawakibi qui a rédigé les préface et postface de l’ouvrage. La modération était assurée par la traductrice des textes de Kawakibi, la journaliste et responsable associative franco-syrienne Hala Kodmani.
Le monde arabe tout entier connaît la pensée de Kawakibi, qui a réussi à traverser les frontières et pénétrer les esprits malgré les tyrannies en place dans un nombre (encore) si important des pays concernés – et pour cause, celles-ci y trouvaient leur compte, du moins le croyaient-elles. Mais, comme l’a rappelé Hala Kodmani, lorsqu’elle et Salam Kawakibi ont décidé de traduire les textes de Kawakibi pour constituer leur ouvrage, ils se sont aperçus qu’il n’existait de version disponible de ceux-ci dans aucune langue occidentale … Et pourtant.
Qui dit «classique» dit souvent «ancien», désignant l’héritage de temps révolus, auquel l’on s’intéresse sans discontinuer depuis son époque mais qui ne s’inscrit pas dans la nôtre. Or, pour peu que l’on puisse les lire en français (si l’on ignore la langue arabe), les écrits de Kawakibi ont tôt fait de s’avérer d’une troublante modernité, pour ne pas dire actualité. Fait d’autant plus troublant donc qu’ils s’inscrivent dans un contexte historique bien particulier.
Excellent connaisseur de l’histoire littéraire du monde arabe, Farouk Mardam Bey a rappelé le contexte, indispensable à connaître et à comprendre, dans lequel a pris corps la pensée de Kawakibi, celui de la deuxième génération de la nahda, la «renaissance» culturelle au dix-neuvième siècle. L’importance de la prose de Kawakibi, ainsi que son caractère de nouveauté, sont dans les réponses qu’il a apportées aux questions de son époque – avant de répondre, à travers le temps, aux questions de la nôtre.
Tanzimat : Dans un Empire ottoman en proie à l’incertitude, le temps des réformes
En ce dix-neuvième siècle qui voit naître Kawakibi, la grande puissance du monde arabe et de l’Orient dans son entier, c’est bien évidemment l’Empire ottoman. A partir de 1839, celui-ci vit le temps des Tanzimat, les réformes en profondeur aux plans politique et social.
Depuis leur palais de Constantinople, les sultans avaient bien compris que l’Empire, bien qu’étant le plus puissant du monde, était un peu partout en train de perdre pied. L’élément déclencheur de cette prise de conscience fut, en 1774, la défaite militaire des Ottomans face à l’Autriche et la Russie, qui se solda pour la première fois dans l’histoire de l’Empire par la perte d’un territoire peuplé majoritairement de Musulmans – la Crimée. Les monarques ottomans ne purent alors que voir se bousculer en eux les questions : pourquoi cette défaite a-t-elle pu avoir lieu ? Pourquoi et comment l’Occident a-t-il pu ainsi se mettre en position de dominer le monde ?
La première réponse à ces interrogations en fut une très naïve. Si l’Occident a pu prendre le pas sur l’Empire ottoman, c’est parce qu’il a su acquérir la maîtrise des sciences et techniques, ce que nous, Ottomans, avons négligé de faire. La réponse est donc simple : importons de l’Occident ses sciences et ses techniques. C’est ainsi que, pendant toute une génération, les sultans ottomans ainsi que Mehemet Ali, le vice-roi albanais d’Égypte qui y avait pris le pouvoir en 1805, ont commencé avec l’aide d’experts étrangers, notamment français, à moderniser l’armée, la marine et toutes leurs forces militaires. Mais même cela ne fut pas suffisant et l’Empire continua de perdre du terrain, dans tous les sens du terme.
Les défaites se succédèrent. La guerre d’indépendance éclata en Grèce. Alger fut envahie puis occupée en 1830 par les Français, Athènes par les Britanniques. Ces «signaux d’alarme» permirent aux sultans de comprendre que le seul savoir scientifique et technique n’était pas suffisant ; pour enrayer le déclin de l’Empire, il était également nécessaire de réformer les institutions.
La seconde réponse fut donc d’ordre politique et juridique, touchant aux institutions de l’Empire, mais ne vint pas sans une question spécifique au préalable : importer les institutions européennes dans le monde musulman, au regard de la loi musulmane, en a-t-on le droit ? C’est en tout cas ce qui fut fait, à travers les Tanzimat, dans un premier mouvement en 1839 puis un second en 1856, l’idée étant, d’une part, de créer un État à l’administration régulière en matière de conscription et de fiscalité, d’autre part, de consacrer l’égalité devant la loi de tous les sujets du sultan, quelle que soit leur origine ethnique ou confessionnelle, notion qui était alors hautement novatrice.
Ce fut aussi le temps d’évolutions majeures, telles que l’abolition de l’esclavage et l’amorce d’une codification des lois sans rapport direct avec le droit musulman. Un authentique effort de modernisation donc, surtout sous Abdulmecit Ier mais aussi sous Abdulaziz, lequel adopterait toutefois plus tard une position inverse.
En France, le jeune imam égyptien Rifaat al-Tahtaoui voit à l’œuvre la volonté du peuple
Pendant cette première période des Tanzimat s’est développé un mouvement extrêmement important d’intellectuels dans les pays arabes, en particulier en Égypte et au Mont Liban. Mehemet Ali avait envoyé en France des stagiaires, parmi lesquels un jeune imam, Rifaat al-Tahtaoui, avec un ordre strict : en France, ne vous mêlez pas de politique ! Envoyés pour apprendre les sciences et techniques – arpentage, physique, chimie etc. – vous n’avez pas à vous occuper de ce qui touche aux institutions ! Mais Tahtaoui n’a pu s’empêcher de s’intéresser à tout ce que son vice-roi lui avait interdit. Il a lu Montesquieu et Rousseau, échangé avec des orientalistes et, surtout, il s’est trouvé à Paris lorsque le peuple s’est révolté contre Charles X du 27 au 29 juillet 1830, journées passées à l’histoire comme les Trois Glorieuses.
De cette révolution, il a gardé l’idée que le peuple pouvait se révolter contre son roi – ou son sultan ! –, plaisanter à haute voix et sans crainte contre le monarque, et plus encore, réclamer un gouvernement selon la Charte, en d’autres termes une monarchie constitutionnelle. Idée jusqu’alors inconnue de la pensée politique.
Certes, que ce soit en France ou dans l’esprit de Tahtaoui, tout cela n’allait malgré tout pas très loin. Que la Charte limite les pouvoirs du roi n’impliquait pas, pour Tahtaoui, le droit pour le peuple de choisir ses dirigeants par la voie du vote, ni le devoir pour ces mêmes dirigeants, ainsi que pour le roi, de se soumettre à de stricts contrôles et contrepouvoirs. Mais à tout le moins, le principe était posé : le roi ne peut pas en faire entièrement à sa tête, des limites existent qu’il lui faut respecter. L’idée allait prendre d’autres formes chez d’autres penseurs de la génération de Tahtaoui, ainsi que dans la génération intermédiaire entre les deux Tanzimat.
Une autre idée que la Révolution de Juillet fit naître chez Tahtaoui était que l’Empire ottoman constituait, comme son nom l’indique, une structure impériale, donc d’une vaste étendue territoriale et regroupant une multitude de peuples aux religions diverses, mais qu’il existait aussi en son sein le concept de patrie. La vie sociale ne s’exerce pas au niveau de l’Empire tout entier, mais sur un territoire précis et délimité ; aussi l’idée de patrie a-t-elle été introduite, selon un principe qui pouvait être pour lui «Ma patrie est l’Égypte, mon monde est l’Empire ottoman et en général le monde musulman».
Tahtaoui était né en 1801, le Libanais Boutros al-Boustani en 1819, Kheireddine Pacha Ettounsi, «le Tunisien», en 1822. Cette génération allait approfondir de différentes manières les idées que le séjour parisien de Tahtaoui lui avait apportées.
Boustani allait mettre l’accent sur la nécessité de soutenir les réformes ottomanes, affirmant par ailleurs «Ma patrie est la Syrie, mon empire est l’Empire ottoman, ma culture est la culture arabe».
Kheireddine irait encore plus loin dans la pensée politique, publiant en 1867 son ouvrage Aqwam al-masalik li ma’rifat ahwal al-mamalik (Le plus sûr moyen pour connaître l’état des nations), dans lequel cet auteur empreint de pensée politique européenne soutient que les Musulmans doivent, non pas peuvent mais doivent, adopter les institutions politiques occidentales tant qu’elles ne sont pas en contradiction avec la loi religieuse. Pour lui, tout ce qui n’est pas interdit par la charia est autorisé, et il se trouve que la charia n’interdit que des choses bien précises, donc hors de question d’aller attribuer à l’Islam des interdits qu’il n’édicte pas !
La meilleure indication de l’importance que revêtit la pensée de Kheireddine est indéniablement le fait que ce soit en Tunisie que fut adoptée, en 1861, la première constitution nationale du monde arabe, définissant très clairement le principe de séparation des pouvoirs et consacrant le contrôle du souverain par une assemblée, même s’il ne s’agit pas d’une assemblée élue au suffrage universel telle que la conçoit notre époque mais davantage d’un parlement constitué par cooptation, seulement en partie par voie d’élection. Mais pour la première fois, ces notions se trouvaient au cœur du système politique d’une nation.
Kawakibi, observateur et acteur de son temps
Chez tous ces auteurs pétris de culture occidentale existait une idée, contre laquelle Kawakibi allait quant à lui s’insurger : le concept du despote éclairé, tant en vague dans ce dix-neuvième siècle. Voltaire et Diderot eux-mêmes ne l’avaient-ils pas appelée de leurs vœux ? Dans le monde musulman, la traduction de cette notion, c’était al-moustabid al-adel, «le despote juste».
Tous avaient cette idée, en ce compris deux contemporains de Kawakibi, l’Afghan Sayyid Jamāl Al-Dīn Al Afghani et l’Égyptien Muhammad Abduh, qui n’avaient guère qu’une dizaine d’années de différence avec lui. Pour eux, l’Orient ne pourrait se relever que le jour où un despote éclairé viendrait le tirer vers le haut.
Quant à Kawakibi, son œuvre intervient à un moment de retombée du mouvement des Tanzimat et de détérioration des relations entre Arabes et Turcs.
La retombée a lieu avec le sultan Abdelhamid, qui a promulgué une première Constitution ottomane en 1876, mais l’a lui-même abolie deux ans après, en 1878, dans un coup d’État dont il était l’auteur et suite auquel il a gouverné seul, dans un despotisme total.
Sans revenir intégralement sur les acquis des Tanzimat, Abdelhamid rétablit toutefois un despotisme personnel, lançant par ailleurs le concept de panislamisme et revendiquant pour le sultan ottoman le titre de Calife des Musulmans. C’est le retour à la confusion intégrale entre pouvoir politique et pouvoir religieux en la personne du sultan de l’Empire ottoman, au demeurant la doctrine principale du sultan Abdelhamid.
En ce qui concerne les relations entre Arabes et Turcs, ce temps est aussi celui des débuts du mouvement nationaliste turc, en réaction à l’indépendance de la Grèce puis de la Serbie, mouvement qui se caractérise par une attitude nationaliste vis-à-vis de toutes les autres composantes de l’Empire, en ce compris les Arabes. Par réaction à leur tour, les Arabes commencent bientôt à revendiquer une identité arabe, ce qui existait déjà mais demeurait jusqu’alors ultra-minoritaire.
De tous ces phénomènes nouveaux qui surviennent autour de lui, Kawakibi tire de nombreuses et importantes conclusions qui lui permettront d’agir en rénovateur.
Alep, la ville de Kawakibi, devient la capitale intellectuelle de la Syrie
Kawakibi est un natif d’Alep, aujourd’hui devenue la deuxième ville de Syrie. A l’époque, en dehors de l’Égypte et du Mont Liban, ainsi que d’une Beyrouth en plein essor intellectuel à travers l’existence de deux universités et le bouillonnement de la presse locale, Alep est la ville la plus active intellectuellement parlant du monde arabe.
Les milieux chrétiens de la ville connaissent un mouvement très avancé de discussion des grandes idées et des principes de sciences politiques, tels que le droit naturel et le contrat social – non tant celui si cher à Jean-Jacques Rousseau que celui du «ténor» aleppin Francis Marrash, entre le gouvernant et les gouvernés, semblable au principe de la monarchie selon la Charte –. La sœur de Francis Marrash, Maryana, anime un salon littéraire, étant par ailleurs la première femme de tout l’Orient à avoir écrit et publié dans la presse un article à son nom.
Du côté des Musulmans, Kawakibi va lui-même être l’initiateur d’un mouvement semblable en créant des journaux qui offrent un balbutiement de réflexion sur tous les thèmes intéressant les lettrés, notamment le pouvoir politique, la séparation des pouvoirs, la nation et la patrie.
C’est sur une anecdote désarmante que l’héritier, tant familial que spirituel, de Kawakibi a ouvert son propre propos.
Un auteur disparu que l’on croit bien vivant
Peu après la sortie de l’ouvrage en français, il reçoit un appel téléphonique d’une journaliste lui demandant «le numéro de téléphone de Monsieur Kawakibi». Précisant à sa correspondante que c’est bien à lui qu’elle s’adresse, Salam Kawakibi reçoit cette réponse dépassant l’entendement : «Non, vous, Monsieur Salam Kawakibi, avez écrit la préface et la postface ; c’est à Monsieur Abd ar-Rahman al-Kawakibi, auteur du livre Du despotisme, que je veux pouvoir parler !».
Elle n’a donc vraiment pas pris soin de rechercher en amont le nom de Kawakibi sur Internet (ou ailleurs), auquel cas elle aurait bien vu qu’il est mort en 1902 ? Sidéré d’une telle ignorance, Salam Kawakibi voulut croire à tout le moins en l’aptitude de la journaliste à prendre conscience de son propos incongru. Il lui répondit, sarcastique : «Vous savez, il n’a pas de téléphone portable …».
Intriguée, notre journaliste ? Découragée ? Loin s’en faut ! Et la voilà qui insiste : «Pas grave, un fixe suffira ! Vous pouvez me le donner ?».
Atterré cette fois au point d’en perdre ses moyens, Salam Kawakibi ne put que lancer, dans un ultime sarcasme de découragement : «Oh, il risque fort de ne pas vous répondre …».
Au-delà de l’aspect comique, il est frappant de voir à quel point cette journaliste prenait Kawakibi pour un contemporain, et Du despotisme pour un ouvrage écrit de fraîche date. D’autant que c’était aussi le cas, en Syrie, de la Mukhabarat, la redoutable sécurité politique du régime, qui cherchait sans relâche un dénommé Abd ar-Rahman al-Kawakibi, coupable d’écrits sur le despotisme qui mettaient gravement en danger la stabilité du régime …
Quand le fantôme de Kawakibi hante la dictature en Syrie
En 1980, Zakaria Tamer, écrivain syrien réputé, qui était alors éditorialiste dans une revue publiée par le Ministère de la Culture à Damas, n’a un jour pas écrit son éditorial, «par paresse, je le crains», relate Salam Kawakibi. A la place, il avait choisi un texte de Kawakibi, qu’il a publié tel quel. La revue fut aussitôt saisie, lui arrêté, puis une fois libéré, il quitta la Syrie pour l’Angleterre où il vit depuis lors.
En 2006, Alep devait organiser un festival intitulé «Alep, capitale de la culture musulmane». Le Gouverneur local, qui voulait profiter de l’occasion pour célébrer Kawakibi, convoqua logiquement son descendant habitant la ville.
– De quelle façon exactement entendez-vous parler de Kawakibi ? demanda Salam Kawakibi.
– Il faut produire des cartables, des stylos à son effigie, répondit le fonctionnaire. Des porte-documents en plastique, ou en cuir peut-être … A l’effigie de Kawakibi. Nous allons aussi lui consacrer une statue, mais qui sera de taille limitée, car elle ne doit pas être vénérée. Et comme vous le savez, aucune statue ne doit dépasser en hauteur celle du Président de la République !
– Entendu, mais à part ça, quels sont les sujets que vous allez aborder ?
– Sujets ? Aucun !
– Mais par rapport à ses écrits …
– Ah non, surtout pas ses écrits !
– Mais alors, pourquoi célébrer Kawakibi ? Je ne comprends pas.
– Mais parce que partout, dans les villes syriennes et les pays arabes, il y a la rue Kawakibi, la place Kawakibi, l’école Kawakibi … Nous allons profiter de l’occasion et commémorer ce Kawakibi ! Mais ses écrits, nous ne voulons pas en entendre parler ! Vous avez bien saisi ?
– Oui, Monsieur le Gouverneur …
Ce qui causa le départ de Syrie de Salam Kawakibi. Et encore, ce n’est là qu’un exemple, parmi de nombreuses anecdotes qui démontrent la peur qu’inspire aux autorités syriennes, et arabes en général, la pensée de Kawakibi.
Des communistes aux néo-fascistes, ils se réclament tous de Kawakibi !
Bien des exemples existent aussi du fait que les différents partis politiques, en Syrie bien sûr mais aussi au niveau panarabe, se revendiquent de la pensée de Kawakibi et ont essayé de se l’accaparer pour légitimer leur existence. Quatre de ces exemples suffisent pour comprendre ce phénomène :
– Le Parti communiste syro-libanais, en son temps, commençait à évoquer Kawakibi comme étant le fondateur du socialisme arabe, car Kawakibi évoquait dans ses écrits «le vécu socialiste»,
– Le Parti communiste syrien, dont les congrès affichent les portraits de Karl Marx, Khalid Bakdash qui fut son leader pendant près de cinquante ans jusqu’en 1995, et donc Kawakibi – association bien étrange entre lui et les deux premiers, d’ailleurs,
– Le Parti social-nationaliste syrien, à la limite du fascisme, inspiré par les nationalismes européens des années 1930, prônant une «grande Syrie» habitée par une «race pure» et où Chypre serait «l’étoile du croissant syrien», Kawakibi étant pour lui «le premier Syrien» car ayant lancé l’idée de la séparation entre religion et pouvoir politique,
– Les Frères musulmans, qui considèrent que, puisque Kawakibi entretenait de bonnes relations avec Mohammed Rachid Rida, père spirituel de leur mouvement, il est lui aussi l’un des leurs,
– Le parti Baas, celui des Assad au pouvoir, qui trouve dans la pensée de Kawakibi le fondement du panarabisme car il s’appuyait sur l’idée, qu’il défendait même fortement, d’une part, que le Calife devait être un Arabe car devant connaître les textes religieux et la langue de l’Islam est l’arabe, d’autre part, que le Calife devait retourner à La Mecque, à l’instar du Pape des Catholiques qui réside au Vatican, pour y exercer une autorité spirituelle et morale, prendre soin des Lieux Saints et se tenir ainsi à l’écart de toute vie politique et tout souci de gestion administrative.
Pour une «laïcité croyante»
S’agissant de religion justement, un religieux, toujours vivant d’ailleurs, a trouvé dans les écrits de Kawakibi le concept de «laïcité croyante», que Kawakibi cherchait à rendre accessible au public de la manière la plus large possible.
Kawakibi n’avait pas le souci d’écrire des textes magnifiquement composés, complexes au point d’en être incompréhensibles. Au contraire, il voulait être accessible au plus grand nombre. C’est pourquoi il a défendu la laïcité d’une manière très simple, «peut-être parfois même un peu simpliste» ajoute Salam Kawakibi, en décrivant la gestion de la vie politique comme pouvant être mêlée à de sales affaires, des mœurs dissolues, la corruption, la tromperie et la politique politicienne, la religion n’ayant en cela aucune place et devant en être épargnée, ce qui lui interdit de se mêler de politique.
Et cette façon simplifiée à l’extrême d’exposer le principe a fonctionné, car ce n’est pas une notion philosophique ou conceptuelle de la laïcité qu’a invoqué Kawakibi pour convaincre une société majoritairement illettrée, attachée à sa religion et très conservatrice, de la nécessité de séparer pouvoir religieux et pouvoir politique.
Kawakibi, chroniqueur acerbe de notre époque politique
«Ce que j’aime beaucoup,» s’est arrêté un instant Salam Kawakibi, «et je voudrais vous la lire, c’est la définition, à mes yeux très romanesque, que Kawakibi donne du despote :»
Je suis le mal, mon père est la répression et ma mère l’austérité, mon frère est la trahison et ma sœur la mesquinerie, mon oncle est le dégât, mon fils est le dénuement, ma fille est le chômage, ma tribune est l’ignorance, mon pays, ce sont les ruines, ma religion, c’est mon orgueil, et ma vie, c’est l’argent.
Quand l’on pense au despote Bachar el-Assad en Syrie aujourd’hui, on l’y retrouve très exactement !
«Aujourd’hui encore,» renchérit Salam Kawakibi, «ce texte me parle par rapport à la Syrie, à l’Égypte, à d’autres pays, qui vivent sous le despotisme et où celui-ci s’est grandement développé en mettant en œuvre toutes ces méthodes, ayant pour cela profité de la modernité d’une manière diabolique.»
Une autre idée de Kawakibi qui dérange encore de nos jours est l’importance qu’il accordait aux sciences humaines. Mohamed Arkoun et Nasr Hamed Abou Zeid, tous deux défunts, faisaient amplement référence à Kawakibi lorsqu’ils évoquaient l’absence de recours aux sciences humaines dans la lecture de textes religieux. Les Arabes et les Musulmans ont laissé passer une magnifique chance lorsqu’ils ont choisi d’éviter d’utiliser les sciences humaines – sciences politiques, philosophie politique, histoire des idées, anthropologie entre autres – dans ce contexte.
Kawakibi ne manquait d’ailleurs pas de rappeler la préférence du despote pour les sciences exactes, fustigeant les mathématiciens – qu’il ne portait pas dans son cœur, on ne sait pourquoi – comme plaisant au despote car ayant «la vision courte». Mais pour ce qui est des sciences humaines, Kawakibi y faisait fréquemment référence comme aux sciences qui permettent d’enseigner aux gens quels sont leurs droits, comment les gagner et comment les préserver – cinquante ans avant que n’existe la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.
Pour Kawakibi, les sciences humaines éveillent naturellement le désir en l’homme de connaître ses droits et s’approprier sa liberté.
Il voulait son œuvre éphémère, elle est devenue immortelle
Dans Du despotisme, Kawakibi consacre une section à chacune des caractéristiques du despotisme. A l’origine, en arabe, l’ouvrage s’intitule d’ailleurs, précisément, Taba’i` al-istibdad, soit en français, Des caractéristiques du despotisme. Kawakibi a ainsi évoqué le despotisme et le religieux, le despotisme et l’armée, la relation étroite entre l’armée et le despote, le despotisme et l’économie, les finances, «et c’est là où les socialistes s’y retrouvent !», le despotisme et la gloire, comment le despote crée une culture de soumission qu’il répand dans la société.
Mais Kawakibi était aussi très provocateur, fustigeant dans certains passages son lectorat lui-même et toute la population. «Réveillez-vous !», écrivait-il ainsi, «Vous êtes des inconscients ! Vous dépensez beaucoup plus d’argent pour acheter des cigarettes que pour vous instruire ! Réagissez ! Changez votre vie !» Ainsi qu’il est écrit en introduction et en conclusion, ce livre est presque, en fait, un manifeste politique.
Kawakibi ne pensait toutefois pas que le public allait un jour, après l’avoir lu, le reprendre et le relire. Pour lui, son ouvrage allait avoir un impact sur le moment, puis tomber dans l’oubli, ses lecteurs étant forcément passés à autre chose au bout de dix ou quinze ans, leur situation n’ayant pu entretemps que s’améliorer. Hélas, c’est l’entier contraire qui s’est produit, tant et si bien que, quelques cent quarante ans après la parution de l’ouvrage, rien ne s’est amélioré, si ce n’est que tout ce dont parlait Kawakibi a encore empiré.
Pourquoi ? Parce que, comme l’a fait remarquer Farouk Mardam Bey, même sous l’Empire ottoman, il existait une authentique vie culturelle, d’échange, de contradictions. Quand une discussion avait lieu entre Rachid Rida et Kawakibi sur la laïcité, tout demeurait courtois, comme le relatait le propre journal de Rida, Al-Muqattam. De nos jours, peut-on imaginer qu’un islamiste et un libéral discutent sans que les chaises finissent par voler à travers la salle ?
Pour répressif qu’était l’Empire ottoman, il offrait sur ce point bien plus de marge de manœuvre qu’il n’en existe à notre époque. Lorsque Kawakibi créait un journal et que le sultan le fermait, il lui suffisait d’en créer un autre. Il existait toujours une alternative, une possibilité de passer à autre chose : quitter Alep pour Beyrouth, quitter Beyrouth pour Le Caire et ainsi de suite. Ce qui serait aujourd’hui complètement impossible.
Même quand il a vanté les bénéfices de la démocratie, Kawakibi a souligné que sans le contrôle strict d’une assemblée élue, celle-ci risquait de devenir despotique, de connaître des dérives. Il prenait à témoin, en France, l’affaire Dreyfus ainsi que le scandale des décorations et celui de … Panama. Déjà !
Passeur d’idées
Enfin, Kawakibi mettait l’emphase sur la langue, le registre linguistique en arabe. A l’époque, les textes arabes étaient très bien écrits, mais peu faciles à comprendre voire inaccessibles. Or, Kawakibi ne cherchait pas à se vanter en montrant une capacité de rédaction avancée, mais à faire passer des idées. C’est pourquoi il a considérablement simplifié sa langue. «Je crois que Hala, qui a traduit l’ouvrage, a pu se rendre compte que cette langue est presque journalistique, très accessible au grand public de son époque.»
Kawakibi a également essayé de traduire les sciences, et le livre énumère justement les traductions des noms des sciences humaines qu’il avait adoptées pour rendre ces domaines plus avenants pour le Syrien, l’Arabe et le Musulman «de la rue».
C’est bien ce qu’il disait : «Pour moi, la langue est un outil, non un objectif en soi». Heureusement, car il y a toujours et partout des gens qui ont l’obsession de corriger la moindre erreur grammaticale …
«Quand je publie un texte de Kawakibi sur un réseau social,» conclut Salam Kawakibi, «il m’arrive de recevoir en réaction des corrections en grammaire. Kawakibi n’était pas du tout incapable d’écrire dans un arabe parfait, mais il voulait tout simplement que son texte soit le plus accessible possible». Une œuvre complète de Kawakibi existe d’ailleurs et celui qui a dirigé cette édition a fait un bon travail, car il a noté en marge la traduction en bon arabe classique de ce qu’a voulu dire Kawakibi dans une langue arabe intentionnellement moins perfectionnée.
«Je pense que Kawakibi a gagné son pari en choisissant le chemin le plus direct pour faire passer ses idées au public qu’il cherchait à influencer.»
Après quelques secondes de silence, et comment trouver ses mots avec aisance à l’issue d’exposés tout à la fois doctes et captivants comme ceux de Farouk Mardam Bey puis Salam Kawakibi, de premières questions émanèrent de l’assistance, mal assurées mais en tout point passionnées.
Quelles pistes pour aller vers la société que voulait Kawakibi, qui soit non-violente et durable ?
Salam Kawakibi rappelle l’influence qu’a eu sur Kawakibi la pensée des Lumières à travers les traductions des grands auteurs français en langue turque, ainsi que la culture italienne qu’il a découverte grâce aux Italiens installés à Alep – auprès desquels il a notamment rencontré et aimé l’œuvre de Vivaldi.
Tout à propos, poursuit Farouk Mardam Bey, Kawakibi estimait que la grande pensée occidentale n’était en aucun cas incompatible avec les principes de l’Islam. Pour Kawakibi, si l’on est un bon Musulman, l’on est, par exemple, favorable à la liberté de la presse, la négation des libertés ne venant que des ignorants qui soutiennent le despotisme.
Kawakibi se montrait ainsi violent envers les chefs religieux autant qu’envers les despotes, ainsi que contre l’aristocratie – Kawakibi qui, lui-même, était un cherif, un descendant du Prophète Mahomet.
Salam Kawakibi précise encore que, lorsqu’il était Maire d’Alep, Kawakibi avait deux combats qui lui tenaient à cœur :
– Il recevait les pauvres dans un bureau afin de les aider à rédiger leurs plaintes à l’autorité, ayant été surnommé pour cela «l’avocat des faibles»,
– Il avait adopté la cause des Arméniens de l’Empire ottoman, soumis à la discrimination à tel point qu’ils devaient, pour obtenir un emploi ou pouvoir entrer en politique, renoncer à leurs noms non-musulmans au profit d’autres plus conformes à l’Islam.
Mais il avait aussi œuvré à faire infléchir le cours de l’Euphrate pour amener le grand fleuve jusqu’à Alep, et dans le même temps, il faisait œuvre de satiriste sur ce qui lui déplaisait dans la vie publique de l’Empire.
En un mot, Kawakibi incarnait lui-même la société qu’il appelait de ses vœux.
Par quels canaux, dans un monde arabe aux frontières aussi hermétiques, l’œuvre de Kawakibi a-t-elle pu ainsi voyager de pays en pays ?
En Syrie et ailleurs dans le monde arabe, répond Salam Kawakibi, l’enseignement consiste surtout à faire apprendre par cœur, au détriment de la pensée critique. Kawakibi a bien été enseigné, mais d’une telle manière que son message profond ne parvenait pas à s’ancrer dans les esprits.
Son œuvre a également été éditée, par exemple au Qatar où, à Doha, Des caractéristiques du despotisme avait été choisi comme «livre du mois», distribué gratuitement. De quoi les despotes locaux auraient-ils peur en le publiant ? Ils savent bien que le peuple ne lit pas ! Même les responsables culturels des gouvernements arabes ignorent tout de Kawakibi.
Pour preuve : en 2003, un inventaire réalisé à la Bibliothèque nationale d’Alep a permis de retrouver un caisson marqué au nom de Kawakibi. Qu’a fait la direction ? Elle a téléphoné à Salam Kawakibi, alors responsable de l’Institut français, en lui disant : «Apparemment, quelqu’un de votre famille a oublié des affaires à la Bibliothèque, alors venez les chercher ou on va les jeter !». Ce qu’a fait aussitôt Salam Kawakibi, et bien lui en prit puisque ce caisson, qu’il ouvrit dès son retour à l’Institut, contenait des trésors de littérature et de correspondance de son illustre grand-père. Et tout cela aurait donc fini à la poubelle !
Ailleurs dans le monde arabe, ce n’est pas mieux. «Un jour,» se souvient Salam Kawakibi, «on m’a présenté un ministre de la culture dans un pays arabe. Entendant mon nom, il m’a dit aussitôt : ‘Ah oui, Kawakibi, je connais, c’était un grand poète !’, et moi, décontenancé, j’ai répondu : ‘Oui, tout à fait’ …»
Seulement parfois, l’ignorance de ce que représente Kawakibi est volontaire, d’abord dans son propre pays, la Syrie. En 2003, Salam Kawakibi avait voulu organiser un colloque à Alep pour le centenaire de la disparition de son grand-père ; mais la Mukhabarat locale s’en est mêlée, ne trouvant pas à son goût cette idée.
Convoqué chaque jour pendant tout un mois par le directeur local, Salam Kawakibi devint malgré lui l’acteur d’un dialogue aussi accablant pour le régime qu’il est surréaliste.
– Vous cherchez à réveiller la rue, lui asséna le fonctionnaire, et ce n’est pas du tout bon pour vous !
– Mais pas du tout ! protesta Salam Kawakibi. Nous ne voulons diffuser ici que des idées éclairées, des idées réformistes !
– Justement, tonna le directeur de la sécurité politique : c’est ce que nous ne voulons pas ! Enfin, rendez-vous compte : dans ce pays, nous avons mis des années à bâtir l’obscurantisme, et aujourd’hui, vous, avec votre Kawakibi, vous voulez tout ruiner en trois jours ?
Silence dans la salle … Puis une nouvelle question.
Y’a-t-il une influence de Kawakibi sur l’idéologie du parti Baas au pouvoir ?
Farouk Mardam Bey explique que c’est le cas à un certain degré, oui, mais seulement au sens où le Baas s’inspire de l’autre livre de Kawakibi, Umm al-Qûra (La mère des cités), fable sur un congrès entre envoyés de tous les pays musulmans qui se serait tenu à La Mecque, servant de cadre à Kawakibi pour développer son postulat selon lequel le sultan et le Calife devaient être deux personnes distinctes aux rôles dûment séparés.
Le Baas en prend prétexte pour faire de Kawakibi l’un des fondateurs du nationalisme arabe, cependant que l’autre aspect de son œuvre, celui concernant le despotisme, est quant à lui totalement occulté.
Et certes, la Syrie émet des timbres à l’image de Kawakibi, le consacrant ainsi comme une gloire nationale mais sur un fondement mensonger. Il est par exemple présenté comme anti-turc, ce qui, comme il a été expliqué précédemment, est faux.
En Égypte, est-on toujours aussi favorable aux thèses de Kawakibi qui y est inhumé ?
Salam Kawakibi regrette que, dans la capitale égyptienne où il ne se rend désormais plus, la tombe de Kawakibi se trouve recouverte par un café populaire, la stèle de son grand-père étant elle-même aujourd’hui surplombée d’un écran de télévision haute définition et d’une chicha.
Ce sont les autorités qui l’ont voulu, car pour elles, Kawakibi était «l’un des inspirateurs des Frères musulmans» et le pouvoir politico-militaire égyptien a en horreur cette faction politique.
Une mosquée a bien été construite au Caire qui porte son nom, mais nul ne sait en trouver le chemin. Son œuvre est presque introuvable elle aussi en Égypte, où même un célèbre éditeur qui l’avait jadis publiée regrette de l’avoir fait, l’intéressé s’inscrivant aujourd’hui dans la mouvance salafiste …
Farouk Mardam Bey évoque des publications arabes récentes où Kawakibi est dénigré comme ayant été «franc-maçon». En l’occurrence, à l’époque de Kawakibi, la franc-maçonnerie était en vogue dans le monde arabe et cela ne gênait personne ! Le grand retournement, ajoute Salam Kawakibi, a eu lieu en 1948 avec l’apparition de l’État d’Israël, la franc-maçonnerie ayant alors été assimilée au mouvement sioniste.
«Récemment, en Tunisie, je donnais une conférence sur la Syrie, sans aucun rapport d’ailleurs avec Kawakibi, et un professeur d’université très connu s’est levé pour m’apostropher.» S’en est suivi une charge délirante de l’universitaire contre Salam Kawakibi.
– Quand votre grand-père a séjourné au Caire, qui donc a financé son séjour ?
– Le Qatar ! lâcha en réponse Salam Kawakibi, confus devant une question si absurde, provoquant ainsi l’hilarité générale dans la salle.
– Non ! Répondez-moi sérieusement !
– Mais que voulez-vous que je réponde à une telle question ? A l’époque, les intellectuels se déplaçaient de ville en ville et vivaient comme ils pouvaient !
– Non, Monsieur, accusa le professeur tunisien. C’est la franc-maçonnerie internationale, l’impérialisme, et le sionisme, et Israël ! (Même si Kawakibi est mort quarante-six ans avant la fondation de cet État …)
Séquence que conclurent deux répliques d’humour et de complicité entre Farouk Mardam Bey et Salam Kawakibi :
– Comment ça ? Il n’était pas riche alors ?
– Il ne nous a rien laissé, en tout cas !
Après quoi les remerciements de Hala Kodmani aux deux intervenants ainsi qu’au public, qui y répondit par une salve d’applaudissements, vinrent conclure la rencontre.
Celle de Kawakibi avec ses nouveaux amis, qui venaient de lui être présentés par son petit-fils, Salam Kawakibi, dépositaire et digne gardien d’un nom qui demeure en Syrie, malgré les tentatives de la bureaucratie pour ne pas qu’il en soit ainsi, un symbole de liberté. Et Salam Kawakibi d’illustrer par là même un magnifique proverbe judéo-arabe, «Travaille pour ton nom et ton nom travaillera pour toi».
Merci à Sindbad-Actes Sud pour l’image de la couverture de l’ouvrage Du despotisme.
Voir également à ce sujet l’article du même auteur sur Blasting News.
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