A Paris, le RAAR sonne l’alarme après l’attentat antisémite de Djerba

Il est des jours où certains lieux portent mal leur nom, surtout à Paris dont l’histoire est aussi celle d’anciennes communes qui jouxtaient son territoire et ont fini par en faire partie. Dans le 19ème Arrondissement, la Place des Fêtes était jadis celle où avaient lieu les fêtes de la commune de Belleville avant qu’elle ne soit annexée à la capitale. En ce dimanche 14 mai, pourtant, le rassemblement qui s’y est tenu de 16H à 17H30 n’avait rien d’une fête, puisqu’il était consacré à l’attentat commis le 9 mai contre une synagogue à Djerba, en Tunisie.

L’Organisation révolutionnaire antiraciste antipatriarcale juive (ORAAJuive) avait appelé en urgence à se rassembler pour rendre hommage aux victimes de cet attentat, de nature clairement antisémite, mais aussi pour soutenir les personnes visées par l’attaque, étant donné que les autorités tunisiennes brillent depuis lors par leur absence.

Ce 9 mai, en plein pèlerinage annuel de Pessah, la Pâque juive, sur l’île emblématique de la présence historique juive en Tunisie, près de la synagogue non moins historique de la Ghriba, un Garde national (gendarme) tunisien a soudainement ouvert le feu sur ses collègues, abattant trois d’entre eux puis s’emparant de leurs munitions, puis il s’est dirigé vers la synagogue où il a de nouveau tiré et tué deux pèlerins, Aviel Haddad et Benjamin Haddad, qui était français et boulanger à Marseille.

Comme l’a rappelé Memorial 98, association membre fondatrice du RAAR, c’est tout sauf la première fois que la synagogue de la Ghriba est visée par l’antisémitisme. Deux attaques haineuses s’y étaient déjà produites auparavant, en 1985 et en 2002, des attaques mortelles qui avaient à elles deux causé vingt-six morts.

Au-delà de l’hommage naturel à rendre aux victimes, sachant combien les communautés juives de France et de Tunisie sont entremêlées dans leur histoire, c’est aussi, ont souligné les organisateurs, l’attitude incompréhensible et, certes, inexcusable des autorités tunisiennes qui est à dénoncer.

Depuis l’attentat, le Président tunisien Kaïs Saïed ne s’est jamais rendu sur les lieux, les autorités locales de Djerba n’affichent de préoccupation que pour le tourisme et, plus encore, cette attaque ne peut que rappeler les propos de Kaïs Saïed incitant à la haine contre les migrants d’Afrique subsaharienne en Tunisie, sur un ton et dans des termes offrant une effroyable ressemblance avec les discours de «grand remplacement» de l’extrême droite en Europe. Ici même en France, Eric Zemmour n’avait pas tardé à apporter son soutien à Kaïs Saïed – alors qu’il qualifie précisément la présence de migrants maghrébins en France, parmi lesquels les compatriotes tunisiens du même Kaïs Saïed, de «grand remplacement» !

Le message des organisateurs, ORAAJuive, RAAR, Memorial 98 et Juives et Juifs Révolutionnaires (JJR), soutenus d’entrée par François Béchieau, Adjoint au Maire du 19ème Arrondissement chargé de la vie associative et de l’expérimentation d’un «Revenu minimum garanti», résonnait aussi fort que le gouvernement tunisien se tait : l’antisémitisme est un fléau qui sévit sans aucune frontière, qui n’est jamais admissible ou excusable et pas même lorsque l’on tente de le diluer dans la critique, en soi pleinement légitime, des abus manifestes d’Israël envers les Palestiniens, et le combat contre lui doit naturellement s’étendre au combat contre tous les racismes, comme celui qu’instille Kaïs Saïed en Tunisie contre les Subsahariens dans un déplorable écho à celui de l’extrême droite sur l’autre rive de la Méditerranée.

Par-delà l’émotion et l’effroi qu’il inspire à quiconque retenant les leçons de l’histoire, l’attentat antisémite de Djerba doit être aussi, pour le présent et pour l’avenir, un signal d’alarme.

Fort et clair.

A voir ici : Reportage vidéo de l’événement sur la chaîne Global Suburban on YouTube.