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Renouer avec Assad pour contrer Daesh : Chemin de Damas … Ou de Munich ?

Ils nous l’ont dit, à Paris Match, ainsi que ces quatre parlementaires français qui se sont rendus à Damas le mois dernier : Daesh, c’est une horreur – là-dessus, on est tous d’accord – et pour lui faire face, la France doit revenir sur sa position et faire alliance avec Bachar al-Assad. Il n’est pas idéal, certes, nous dit-on encore, mais il est, face à Daesh, un moindre mal …

Adieu la révolution syrienne, en somme. Désolé pour vous, vous avez raison sur le fond mais, hélas, vous êtes trop divisés, vous avez laissé les groupes islamistes vous infiltrer et, de toute façon, vous êtes contre Assad et donc du même côté que Daesh. Alors soyez raisonnables, déposez les armes et faites comme ces opposants syriens autoproclamés qui se sont rendus à Moscou pour discuter poliment et convenablement avec les représentants du régime génocidaire. On en est malheureux pour vous, mais des quatre révolutions majeures du printemps arabe, la vôtre devra accepter d’être la seule qui n’aura pas gain de cause.

Vraiment ? Un peu comme on avait expliqué en 1938 aux Tchécoslovaques de la région des Sudètes annexée par l’Allemagne (en Crimée, Poutine n’a rien inventé …) que même s’ils avaient en soi droit à leur liberté, eh bien on allait quand même laisser Hitler et son Allemagne nazie les en priver parce que, plus loin encore à l’est, il y avait Staline et l’Union soviétique, prêts à déferler sur l’Europe entière pour la soumettre à l’idéologie communiste, alors … Sauf que les leçons de l’histoire ne vont pas dans ce sens.

De retour en France, Edouard Daladier, Président du Conseil, qui s’était donc rendu avec son homologue britannique, le Premier Ministre Neville Chamberlain, auprès de l’homme qui avait vomi Mein Kampf et qui, sous moins de deux mois, déclencherait dans son pays la haine antisémite lors de la Nuit de Cristal, fut acclamé par la foule à sa descente d’avion puis le long de son trajet en voiture. Ravalant sa honte, il se mit à pleurer, puis il alla jusqu’à lâcher à son chauffeur un bien pitoyable mais inévitable «Les cons !».

Quelques années après la Libération, ce même Daladier, interviewé pour un film documentaire, relata ceci : «Lorsque Hermann Göring [numéro deux du Troisième Reich] comparut devant le Tribunal militaire international de Nuremberg, il déclara : ‘Si, au lieu de venir à Munich, Français et Britanniques avaient fait alliance avec l’Union soviétique, nous, le Reich, nous n’aurions jamais pu frapper’.»

Aujourd’hui, s’allier avec Daesh contre Assad ou contre qui que ce soit, c’est bien entendu hors de question. Seulement, renouer avec Assad contre un Daesh qui, après tout, n’a commis les ravages qui sont les siens depuis l’été dernier que parce qu’Assad a ouvert grand ses prisons pour en faire sortir tous ceux qui se sont ensuite pressés dans les rangs du groupe islamiste jusqu’alors de moindre envergure, en quoi cela aurait-il plus de sens ? Au fond, qui est le meilleur allié d’Assad si ce n’est Daesh ?

Voilà bien pourquoi, ce 14 mars à Paris, il ne fallait attendre ni capitulation ni résignation de la part des révolutionnaires syriens qui ont défilé, plus nombreux que jamais, pour commémorer les quatre ans du soulèvement populaire de Syrie dans la foulée de ceux de Tunisie, d’Egypte et de Libye.

Soutenus par soixante et une organisations, qu’il s’agisse d’associations, de syndicats ou de partis politiques, les militants syriens ont proclamé haut et fort ce que ne veut pas entendre cette frange des décideurs qui semble aujourd’hui gagnée par un esprit munichois : «Ni Daesh, ni Bachar, la Syrie vivra !»

Pour les manifestants, une seule option – un « avenir démocratique » qui ne peut qu’exclure l’un et l’autre des deux principaux protagonistes du conflit. La revendication fondatrice et fondamentale de la révolution syrienne ne se négocie pas, ni en soumission à la dictature ni par peur de l’islamisme armé.

Arrivés Place de l’Hôtel de Ville, les révolutionnaires syriens n’ont d’ailleurs pu qu’entendre Patrick Klugman, Maire-adjoint chargé des Relations internationales et de la Francophonie, qui représentait la Maire de Paris Anne Hidalgo, qualifier à son tour le choix auquel appellent certains en faveur du régime de Damas de «munichois» et conclure : «Paris ne choisira pas ! Le seul choix que Paris fera pour la Syrie, c’est la démocratie !».

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This entry was posted on 15/03/2015 by in Révolution syrienne.

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