En France, il sera maintenant difficile de fêter le Nouvel An sans penser que, derrière le tournant de l’année, un drame nous attend tel que les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher de Vincennes en janvier dernier.
Les Kurdes de Paris, eux, ne seront pas déstabilisés pour si peu. Le jihadisme, ils connaissent bien, ils l’ont déjà affronté – et repoussé. L’on sait toute leur résistance à Daesh, «l’Etat islamique» ou prétendu tel, à Kobané. Pour eux donc, les Fêtes de Fin d’Année, pas question de se les laisser voler par Daesh ou ses affidés. Sauf que pour les Kurdes, le Nouvel An, c’est aujourd’hui.
Chaque année, le 21 mars et pendant une semaine, le monde de langue perse et turque célèbre Newroz, «le Nouveau Jour», en farsi et en kurde, marquant le début de l’année dans le calendrier persan. Depuis 2010, Newroz est une Journée internationale reconnue par l’ONU, l’UNESCO ayant quant à elle inscrit cette fête à son Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité l’année précédente.
Ce samedi 28 mars, la communauté kurde s’était donné rendez-vous à la salle municipale Olympe de Gouges, dans le 11ème arrondissement de Paris, pour une fête mettant à l’honneur la culture, la musique et la gastronomie kurdes, même si la menace de Daesh au Moyen-Orient ne pouvait être loin dans les esprits.
Dans le hall d’accueil, un panneau intitulé «Sauvons Shengal» rappelait la lutte de la ville montagnarde où les Kurdes yazidis, religion considérée «diabolique» par Daesh, subissent les assauts violents et obstinés du l’organisation terroriste.
En ce Newroz qui voit pour la première fois un Daesh au faîte de sa puissance, aucune raison d’être optimiste. Pourtant, pour le Président du Comité d’Organisation, l’avocat kurde de Syrie Emran Mensour, pas question de baisser la garde. «Hier, j’ai appris que nous étions presque trente mille Kurdes en région parisienne, ce qui m’a fortement impressionné ! De nombreux groupes musicaux kurdes fêtent aujourd’hui Newroz en Ile-de-France, en particulier ici ce soir. C’est notre culture tout entière qui est représentée, notre drapeau, notre musique et nos livres.»
Même les attentats jihadistes commis en France ne peuvent écorner les revendications traditionnelles des Kurdes, plus que jamais liées, pour Emran Mensour, aux préoccupations qui sont celles des Français. «Ce que nous voulons, c’est ce qui fait la devise de la République française: Liberté, Égalité, Fraternité. Et surtout, nous voulons que le Kurdistan devienne un pays indépendant ! On le sait, les Kurdes sont en première ligne contre le danger que représente Daesh, et le terrorisme qui frappe désormais la France, nous là-bas, nous savions déjà ce que c’est bien auparavant.»
Donc, quoi qu’il advienne, un Newroz sous le signe de l’espoir. «Toute l’histoire du peuple kurde est placée sous ce signe», conclut Emran Mensour. «Dans notre langue, ‘espoir’ se dit ‘Hèvi’.»
Et c’est le mot, malgré tout, qui qualifie le mieux l’état d’esprit des Kurdes de Paris en ce Newroz 2015, le premier sous la chape de Daesh et qui, si les grandes puissances le veulent bien, sera également le dernier du genre.
Recent Comments